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Quand la France réagira-t-elle face aux crises ?


La Rédaction
Lundi 3 Juillet 2023



Le philosophe Jean-Loup Bonnamy dénonce la gestion par l'État des différentes crises qui ont agité la France ces dernières années. Il dénonce l'inertie des pouvoirs publics qui, selon lui, répètent les mêmes erreurs.




Une vague d'émeutes dans les cités secoue aujourd'hui le pays. Commentateurs et politiques redoutent l'embrasement généralisé. Or, les choses sont d'une extrême gravité. Mais si l'on veut poser le bon diagnostic, il faut bien identifier ce qui est réellement catastrophique. Ce qui est catastrophique, ce ne sont pas tant les émeutes actuelles ni même l'état général des cités, c'est l'inertie des gouvernements depuis quarante ans sur ce sujet pourtant parfaitement connu. Malgré les avertissements, aucune leçon n'a été tirée, aucun virage opéré, aucun sursaut esquissé. Les logiciels intellectuels et les mauvaises pratiques qui ont engendré les crises ont été maintenus. Et on peut déjà parier que malgré les émeutes actuelles, rien ne sera fait et tout continuera encore de la même façon.

Les premières émeutes de grande ampleur ont eu lieu à Vaulx-en-Velin...en 1979 ! Deux ans après, c'était «l'été chaud» des Minguettes avec «les rodéos de la colère». Puis Mantes-la-Jolie en 1991. En 1993, NTM chantait «Qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ?». Le film La haine sortait en 1995. Dix ans après, c'était la grande alerte des émeutes de 2005. Pendant trois semaines les cités se sont embrasées un peu partout en France. Pour en venir à bout, il a fallu proclamer l'état d'urgence (qui n'avait plus été utilisé depuis la Guerre d'Algérie) et instaurer des couvre-feux. C'était à peu près à ce moment là que naissait Nahel, dont la mort déclencha les émeutes de 2023, dix-huit ans plus tard. Puis vint Villers-le-Bel en 2007. Malgré tous ces signaux d'alerte, on voit aujourd'hui que rien n'a changé. Les choses ont même empiré.

Après les émeutes de 2005, il aurait fallu tout mettre à plat. Il aurait fallu, par exemple, construire ces fameuses places de prison  qui manquaient déjà en 2005, que le candidat Emmanuel Macron avait promises en 2017 et qui n'ont toujours pas vu le jour. Au lieu de déverser aveuglément de l'argent sur les «quartiers» à travers les aides sociales et la politique de la ville, il aurait plutôt fallu reconstituer un véritable maillage de services publics de proximité et de qualité. Surtout, il aurait fallu arrêter l'immigration. En effet, il est évident que les émeutes dans les cités sont en partie le fruit d'une immigration mal intégrée. Or, le maintien de l'immigration transforme la question des cités en tonneau des Danaïdes ou en rocher de Sisyphe : à chaque fois qu'une famille quitte un quartier, une nouvelle, arrivée récemment en France, la remplace.

Tout est à recommencer à zéro et le quartier ne se vide jamais. Quand on a un problème de stocks, on commence par couper les flux. Dans l'intérêt général du pays et par respect pour les habitants des cités, il aurait fallu, après les émeutes de 2005, suspendre l'arrivée de nouveaux immigrés peu diplômés afin de pouvoir consacrer tous nos moyens et toute notre attention aux populations déjà présentes dans les cités. On aurait pu ainsi soulager la pression sur leurs emplois, leurs salaires, leur accès au logement ou aux services publics (que l'immigration met sous haute tension). On aurait pu faciliter leur intégration socio-culturelle, distendre le communautarisme et diminuer progressivement le nombre d'habitants dans les cités. Si l'immigration avait été stoppée en 2005, il n'y aurait pas d'émeutes aujourd'hui.

Au lieu de cela, on assiste en permanence à l'éternel retour du même. Les mêmes événements, les mêmes scénarios, les mêmes lieux reviennent en boucle. En 2005, Sarkozy invectivait les «racailles», en 2020, on parlait d'ensauvagement, en 2023, on polémique sur la décivilisation. Derrière les termes médiatiques qui changent, les mêmes problèmes restent. Avec toujours les mêmes débats qui reviennent et où tous les rôles sont prédistribués et connus à l'avance. Aucune vision d'ensemble n'émerge et le débat public ressemble à un poisson rouge tournant en rond dans son bocal et ayant le sentiment illusoire de la nouveauté grâce à une absence totale de mémoire.

Pour prendre une métaphore médicale : ce qui est grave, ce n'est pas la maladie, c'est de ne pas se soigner. Tous les pays connaissent des difficultés et des crises. Elles sont le mouvement même de l'Histoire. Ce qui semble spécifique à la France actuelle et ce qui est vraiment très inquiétant, c'est l'absence de réaction face à la crise.

La classe politique commet donc une erreur de perspective en pensant que la clef du problème des cités se trouverait dans les cités elles-mêmes. La NUPES aura ainsi une vision sociale misérabiliste et parlera de pauvreté et de «racisme systémique». Éric Zemmour parlera lui de «francophobie» ou de choc des civilisations. Chacun dans son rôle. Or, en vérité, la question capitale n'est pas tant : «pourquoi les cités s'embrasent-t-elles ?», mais «pourquoi sommes-nous incapables depuis quarante ans de régler le problème ?». Le vrai problème n'est pas dans les cités, il est en nous. Et tant que nous n'opérerons pas notre propre redressement intellectuel et moral, le problème des cités persistera et s'aggravera.

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