Le philosophe australien Glenn Albrech a créé le néologisme solastalgie (solacium le soulagement, et algia la douleur) en 2003 pour décrire « l’expérience vécue d’un changement environnemental perçu négativement » en l’occurrence des chercheurs australiens travaillant sur la barrière de corail et constatant, impuissants, son inexorable blanchiment, donc sa mort. Cette éco-anxiété, cette angoisse climatique, cette solastalgie, est de plus en plus présente dans nos sociétés.
Le processus de la solastalgie
La solastalgie part d’un processus démontré par des scientifiques, incontestable et répandu par des « lanceurs d’alertes » au travers de livres, interventions dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux.
Ce processus se déroule en trois temps.
Il y a d’abord les constats de la pollution de l’air et de l’eau, du dérèglement climatique avec ses catastrophes naturelles particulièrement violentes et ses excès de chaleur, de l’extinction des espèces de la faune et de la flore (un million d’espèces vont disparaitre dans les prochaines années), de l’épuisement des ressources issus de la terre et des mers et de la terre elle-même, des océans poubelles et finalement des 280 millions de déplacés climatiques dans les décennies à venir. Les propos sont largement répandus par les collapsologues.
Il y a ensuite l’affirmation de solutions dites simples, directement liées à ces constats : il faut changer sa manière de manger (bio, voire local, supprimer la viande voire ne plus consommer de tout produit animal, si possible ne pas acheter de produits transformés) et donc changer l’agriculture (supprimer tous les produits chimiques, supprimer les élevages industriels, développer l’agriculture biologique).
Il ne faut plus utiliser de matière premières à base de carbone (pétrole, charbon, gaz) sous toutes ses formes et ne s’orienter que vers les énergies renouvelables. Finalement il faut changer de mode de vie travailler dans des entreprises vertueuses prenant soin des Hommes et de l’environnement, limiter les déplacements, voire s’interdire l’avion, quitter les mégapoles comme le font les survivalistes qui vont se réfugier et vivre dans la campagne en attendant l’effondrement, etc. Et finalement ne faire pas ou peu de bébés car la Terre ne nourrira pas dix milliards de terriens dans trente ans.
Comme ceux qui devraient entendre ces alertes, n’entendent pas, ne comprennent pas et n’agissent pas en vertu de ces deux premiers temps, il faut les revendiquer de plus en plus fortement dans la rue par des marches pour le climat, par les grèves scolaires des lycéens (Greta Thunberg, Friday for Future), par des pétitions (l’Affaire du Siècle : deux millions de signature en deux mois), par des occupations de places de villes (Extinction Rebellion).
Le processus de la solastalgie
La solastalgie part d’un processus démontré par des scientifiques, incontestable et répandu par des « lanceurs d’alertes » au travers de livres, interventions dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux.
Ce processus se déroule en trois temps.
Il y a d’abord les constats de la pollution de l’air et de l’eau, du dérèglement climatique avec ses catastrophes naturelles particulièrement violentes et ses excès de chaleur, de l’extinction des espèces de la faune et de la flore (un million d’espèces vont disparaitre dans les prochaines années), de l’épuisement des ressources issus de la terre et des mers et de la terre elle-même, des océans poubelles et finalement des 280 millions de déplacés climatiques dans les décennies à venir. Les propos sont largement répandus par les collapsologues.
Il y a ensuite l’affirmation de solutions dites simples, directement liées à ces constats : il faut changer sa manière de manger (bio, voire local, supprimer la viande voire ne plus consommer de tout produit animal, si possible ne pas acheter de produits transformés) et donc changer l’agriculture (supprimer tous les produits chimiques, supprimer les élevages industriels, développer l’agriculture biologique).
Il ne faut plus utiliser de matière premières à base de carbone (pétrole, charbon, gaz) sous toutes ses formes et ne s’orienter que vers les énergies renouvelables. Finalement il faut changer de mode de vie travailler dans des entreprises vertueuses prenant soin des Hommes et de l’environnement, limiter les déplacements, voire s’interdire l’avion, quitter les mégapoles comme le font les survivalistes qui vont se réfugier et vivre dans la campagne en attendant l’effondrement, etc. Et finalement ne faire pas ou peu de bébés car la Terre ne nourrira pas dix milliards de terriens dans trente ans.
Comme ceux qui devraient entendre ces alertes, n’entendent pas, ne comprennent pas et n’agissent pas en vertu de ces deux premiers temps, il faut les revendiquer de plus en plus fortement dans la rue par des marches pour le climat, par les grèves scolaires des lycéens (Greta Thunberg, Friday for Future), par des pétitions (l’Affaire du Siècle : deux millions de signature en deux mois), par des occupations de places de villes (Extinction Rebellion).
Être climat-proactif
Cependant, ce processus de solastalgie enferme car les constats et les solutions sont présentés comme définitifs. Les constats sont fondés. Mais les conclusions de ces constats peuvent être différentes. Par la fonte des glaces, les inuits du Canada perdent leurs repères. Ceux du Groenland trouvent, pour les pêcheurs, que la pêche est meilleure et de nouveaux poissons se présentent.
La fonte du permafrost peut libérer vingt millions de km² de terres soit la superficie de la Chine et des Etats-Unis : combien de nouvelles terres à cultiver ! La chaleur fait pousser les arbres, cela se constate dans les Alpes, et ce sont des pièges à carbone.
Les changements climatiques ont du bon : l’Homme bipède est né du refroidissement et la disparition des arbres : il a dû apprendre à lever la tête dans les steppes afin de voir les ennemis ! D’ailleurs la nature s’adapte.
Les vendanges ont lieu plus tôt. Les oiseaux vivent ailleurs. Et il ne faut pas perdre de vue que le chasseur-cueilleur devenu sédentaire (il n’y a environ que 7500 ans dans nos régions) a choisi ses animaux devenus domestiques, a cultivé certaines plantes et pas d’autres, a dessiné les paysages : l’Homme a de tous temps influencé la faune et la flore.
La faune, la flore et l’Homme sont spontanément de nature climato-proactif. Ne pas répéter nos habitudes, quitter notre pensée en silo, imaginer de nouvelles solutions que des signaux faibles nous indiquent. C’est une simple démarche d’ouverture sur les futurs, une démarche de prospective. Finalement, chaque siècle est différent du précédent et n’est surtout pas la suite attendue du précédent.
Cependant, ce processus de solastalgie enferme car les constats et les solutions sont présentés comme définitifs. Les constats sont fondés. Mais les conclusions de ces constats peuvent être différentes. Par la fonte des glaces, les inuits du Canada perdent leurs repères. Ceux du Groenland trouvent, pour les pêcheurs, que la pêche est meilleure et de nouveaux poissons se présentent.
La fonte du permafrost peut libérer vingt millions de km² de terres soit la superficie de la Chine et des Etats-Unis : combien de nouvelles terres à cultiver ! La chaleur fait pousser les arbres, cela se constate dans les Alpes, et ce sont des pièges à carbone.
Les changements climatiques ont du bon : l’Homme bipède est né du refroidissement et la disparition des arbres : il a dû apprendre à lever la tête dans les steppes afin de voir les ennemis ! D’ailleurs la nature s’adapte.
Les vendanges ont lieu plus tôt. Les oiseaux vivent ailleurs. Et il ne faut pas perdre de vue que le chasseur-cueilleur devenu sédentaire (il n’y a environ que 7500 ans dans nos régions) a choisi ses animaux devenus domestiques, a cultivé certaines plantes et pas d’autres, a dessiné les paysages : l’Homme a de tous temps influencé la faune et la flore.
La faune, la flore et l’Homme sont spontanément de nature climato-proactif. Ne pas répéter nos habitudes, quitter notre pensée en silo, imaginer de nouvelles solutions que des signaux faibles nous indiquent. C’est une simple démarche d’ouverture sur les futurs, une démarche de prospective. Finalement, chaque siècle est différent du précédent et n’est surtout pas la suite attendue du précédent.
Donc non, le monde n’est pas foutu !
Dire que en 2050, l’humanité est finie, c’est comme croire à la fin du monde en 2000 ou le 20.12.2012 selon le calendrier maya. Bien sûr il faut agir pour au minimum bloquer ces symptômes, le fameux +2°C des accords de Paris, COP21. Mais la logique des solutions en conclusion des constats font preuve d’un manque certain d’observation. Car dans le fond, les énergies renouvelables n’ont de renouvelables que l’énergie mais pas les moyens de les capter, de les transformer, de fabriquer et recycler les machines nécessaires.
L’agriculture n’est pas une industrie légère que l’on déplace à sa guise, c’est une industrie lourde avec des Hommes aujourd’hui fragiles. Et l’on n’imagine pas 66 millions de Français aller à la ferme pour faire leurs achats et préparer chaque repas. Il faut donc à chaque fois reconsidérer le système dans son ensemble et l’adapter aux individus d’aujourd’hui. La voiture électrique est présentée comme écologique : c’est une catastrophe de pollution avec un système de bornes de charge électrique qui devraient charger la voiture en une dizaine de minutes et non pas en heures.
Et il s’ajoute à cela la psychologie des personnes et leur irrationalité. Car nous sommes tous irrationnels. C’est d’ailleurs Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2012) qui l’avait bien démontré : l’Homme est risquophobe. La voiture la plus vendue (40% des ventes) est le SUV et c’est un non-sens écologique sans oublier qu’elle est surdimensionnée pour la ville.
La piscine est elle aussi un non-sens écologique, et pourtant il y en a 2.5 millions en France. Je crois n°2 mondial par habitant après les Etats-Unis. Mais c’est agréable … La climatisation se développe plus vite en consommant autant d’énergie que le numérique. Et, après les chaleurs de 2019, les Français se précipitent sur l’équipement en climatisation fixe. Rationnellement, il ne faudrait ni SUV, ni piscine, ni climatisation. Rationnellement …
Dire que en 2050, l’humanité est finie, c’est comme croire à la fin du monde en 2000 ou le 20.12.2012 selon le calendrier maya. Bien sûr il faut agir pour au minimum bloquer ces symptômes, le fameux +2°C des accords de Paris, COP21. Mais la logique des solutions en conclusion des constats font preuve d’un manque certain d’observation. Car dans le fond, les énergies renouvelables n’ont de renouvelables que l’énergie mais pas les moyens de les capter, de les transformer, de fabriquer et recycler les machines nécessaires.
L’agriculture n’est pas une industrie légère que l’on déplace à sa guise, c’est une industrie lourde avec des Hommes aujourd’hui fragiles. Et l’on n’imagine pas 66 millions de Français aller à la ferme pour faire leurs achats et préparer chaque repas. Il faut donc à chaque fois reconsidérer le système dans son ensemble et l’adapter aux individus d’aujourd’hui. La voiture électrique est présentée comme écologique : c’est une catastrophe de pollution avec un système de bornes de charge électrique qui devraient charger la voiture en une dizaine de minutes et non pas en heures.
Et il s’ajoute à cela la psychologie des personnes et leur irrationalité. Car nous sommes tous irrationnels. C’est d’ailleurs Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2012) qui l’avait bien démontré : l’Homme est risquophobe. La voiture la plus vendue (40% des ventes) est le SUV et c’est un non-sens écologique sans oublier qu’elle est surdimensionnée pour la ville.
La piscine est elle aussi un non-sens écologique, et pourtant il y en a 2.5 millions en France. Je crois n°2 mondial par habitant après les Etats-Unis. Mais c’est agréable … La climatisation se développe plus vite en consommant autant d’énergie que le numérique. Et, après les chaleurs de 2019, les Français se précipitent sur l’équipement en climatisation fixe. Rationnellement, il ne faudrait ni SUV, ni piscine, ni climatisation. Rationnellement …
La solastalgie, jusqu’où ?
La solastalgie, cet effondrement moral devant l’impuissance à agir face aux transformations rapides du climat et de l’environnement, n’est pas une « maladie » à prendre à légère. Ses symptômes touchent de nombreux domaines. Elle résulte de l’enthousiasme ou de la fatalité de l’individu à s’intéresser à un sujet, de l’ampleur des informations qu’il peut recueillir et de la limite qu’il rencontre dans la compréhension des sujets, dans la mise en œuvre des réponses.
En fait, il se trouve en contact direct ou indirect par les réseaux sociaux avec des scientifiques et des « experts », souvent vulgarisateurs sur les réseaux sociaux et donc en recherche d’affirmations fortes qui apportent de l’audience. Les sujets abordés touchent tous les domaines de la vie quotidienne, technique, politique, philosophique, professionnelle, etc.
Ainsi, en octobre 2019 on peut lister parmi les sujets : les conséquences de l’incendie de Lubrizol à Rouen, islam et islamisme, pauvreté, les retraites, les indépendantistes catalans (en Espagne), les kurdes, … Le processus de la solastalgie se répète : un constat scientifique, des solutions simples, un manque d’écoute et d’actions des autorités, des revendications de plus en plus violente. La solastalgie ne touche pas que l’environnement mais tout sujet qui devient passionnel.
Or autant sous les encyclopédistes du XVIIIème siècle, un « homme honnête » pouvait « tout » connaitre, autant il a l’impression aujourd’hui d’avoir tous les savoirs à disposition. Or plus il s’approche des savoirs, plus il a le sentiment de s’en éloigner par la profondeur des connaissances et leur complexité. La solastalgie devient un trouble moderne de souffrance mentale et d’effondrement devant l’incapacité de cerner la totalité d’un sujet et d’apporter une réponse certaine à ses questions. Le cas typique est l’incendie de Lubrizol. La solastalgie est une forme de nostalgie de la connaissance par souffrance qui peut aboutir à un effondrement psychologique.
Après l’Holocène (la Nature a dominé l’Homme), sous serions dans l’anthropocène (l’Homme domine la Nature). Peut-être sommes-nous dans un temps de l’anthropocène, le solastalcène …
Lorsqu’un adolescent d’aujourd’hui voit dans le monde de demain (2050) la fin de l’Humanité, la solastalgie ne doit pas être ce qu’elle est.
Je repars en plongée ….
La solastalgie, cet effondrement moral devant l’impuissance à agir face aux transformations rapides du climat et de l’environnement, n’est pas une « maladie » à prendre à légère. Ses symptômes touchent de nombreux domaines. Elle résulte de l’enthousiasme ou de la fatalité de l’individu à s’intéresser à un sujet, de l’ampleur des informations qu’il peut recueillir et de la limite qu’il rencontre dans la compréhension des sujets, dans la mise en œuvre des réponses.
En fait, il se trouve en contact direct ou indirect par les réseaux sociaux avec des scientifiques et des « experts », souvent vulgarisateurs sur les réseaux sociaux et donc en recherche d’affirmations fortes qui apportent de l’audience. Les sujets abordés touchent tous les domaines de la vie quotidienne, technique, politique, philosophique, professionnelle, etc.
Ainsi, en octobre 2019 on peut lister parmi les sujets : les conséquences de l’incendie de Lubrizol à Rouen, islam et islamisme, pauvreté, les retraites, les indépendantistes catalans (en Espagne), les kurdes, … Le processus de la solastalgie se répète : un constat scientifique, des solutions simples, un manque d’écoute et d’actions des autorités, des revendications de plus en plus violente. La solastalgie ne touche pas que l’environnement mais tout sujet qui devient passionnel.
Or autant sous les encyclopédistes du XVIIIème siècle, un « homme honnête » pouvait « tout » connaitre, autant il a l’impression aujourd’hui d’avoir tous les savoirs à disposition. Or plus il s’approche des savoirs, plus il a le sentiment de s’en éloigner par la profondeur des connaissances et leur complexité. La solastalgie devient un trouble moderne de souffrance mentale et d’effondrement devant l’incapacité de cerner la totalité d’un sujet et d’apporter une réponse certaine à ses questions. Le cas typique est l’incendie de Lubrizol. La solastalgie est une forme de nostalgie de la connaissance par souffrance qui peut aboutir à un effondrement psychologique.
Après l’Holocène (la Nature a dominé l’Homme), sous serions dans l’anthropocène (l’Homme domine la Nature). Peut-être sommes-nous dans un temps de l’anthropocène, le solastalcène …
Lorsqu’un adolescent d’aujourd’hui voit dans le monde de demain (2050) la fin de l’Humanité, la solastalgie ne doit pas être ce qu’elle est.
Je repars en plongée ….
Philippe Cahen est conférencier-conseil en Prospective
Un signal faible est un fait paradoxal qui inspire réflexions. Ce sont ces réflexions que développent ici Philippe Cahen, signauxfaiblesologue.
Un signal faible est un fait paradoxal qui inspire réflexions. Ce sont ces réflexions que développent ici Philippe Cahen, signauxfaiblesologue.