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Qu’est-ce que le développement durable ? Il est bien des réponses possibles à cette question. Aucune n’est simple, évidente et neutre. Le développement durable est l’exemple même du concept mou, du mot-valise, du slogan en clair-obscur dans lequel chacun peut trouver ce qu’il veut ; au point que certains en viennent à douter de son intérêt et de sa validité. Ne serait-il pas qu’une vaste opération de communication pour acclimater le capitalisme aux préoccupations écologiques actuelles ?
La plus classique des définitions est celle tirée du rapport rédigé pour l’ONU sous la présidence de la diplomate norvégienne Gro Harlem Brundtland en 1987 : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (1). Elle a été popularisée sous la forme graphique des trois piliers du développement durable : trois cercles entrelacés qui représentent les enjeux économiques, sociaux et environnementaux ; le développement durable est dans la partie recouverte par les trois. Le développement est durable quand il prend en compte ses trois dimensions. La croissance économique doit être vertueuse et respecter l’environnement et les sociétés.
La rapport Brundtland est plus une étape qu’il n’est à l’origine du développement durable. Il s’inscrit dans la continuité des réflexions du Club de Rome sur la croissance zéro publiées en 1972 dans le rapport Meadows (2), voire de celles, plus anciennes, de Karl Polanyi qui critiquait déjà dans La grande transformation les menaces que la naissance de l’économie de marché libérale faisait peser sur les liens sociaux et la nature (3). Il trouve un prolongement, au niveau international, avec le Sommet de la Terre de Rio de 1992, puis celui de Johannesburg de 2002 et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000.
La plus classique des définitions est celle tirée du rapport rédigé pour l’ONU sous la présidence de la diplomate norvégienne Gro Harlem Brundtland en 1987 : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (1). Elle a été popularisée sous la forme graphique des trois piliers du développement durable : trois cercles entrelacés qui représentent les enjeux économiques, sociaux et environnementaux ; le développement durable est dans la partie recouverte par les trois. Le développement est durable quand il prend en compte ses trois dimensions. La croissance économique doit être vertueuse et respecter l’environnement et les sociétés.
La rapport Brundtland est plus une étape qu’il n’est à l’origine du développement durable. Il s’inscrit dans la continuité des réflexions du Club de Rome sur la croissance zéro publiées en 1972 dans le rapport Meadows (2), voire de celles, plus anciennes, de Karl Polanyi qui critiquait déjà dans La grande transformation les menaces que la naissance de l’économie de marché libérale faisait peser sur les liens sociaux et la nature (3). Il trouve un prolongement, au niveau international, avec le Sommet de la Terre de Rio de 1992, puis celui de Johannesburg de 2002 et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000.
Le développement durable n’est pas une théorie économique. C’est davantage une notion assimilée par différents courants de la pensée économique de façon plus ou moins exigeante. Ceux-ci opposent en effet des modèles à durabilité faible, notamment du côté de l’économie néo-classique, et des modèles à durabilité forte, à l’image des économies dites écologique, institutionnaliste ou de la régulation (4). Un concept assimilé ou pas : d’autres économistes dénoncent le développement durable comme une supercherie. Paradoxalement - a priori -, les auteurs les plus imprégnés de l’impératif écologique sont les plus critiques. Pour les partisans de la décroissance ou de la « sobriété heureuse », le développement durable et sa croissance verte c’est encore la croissance alors qu’il conviendrait au contraire de sortir de cet objectif pour refonder l’économie (5).
Force est de constater que le développement durable est aussi devenu un outil de gestion et de management au sein des organisations. Dans l’industrie de la tannerie, par exemple, le développement durable est une stratégie qui accompagne le tournant vers la niche du luxe et des produits haut-de-gamme peu compatible avec l’image d’industrie polluante héritée du passé de cette activité (6). La communication des tanneries insiste ainsi sur l’utilisation de la méthode végétale qui paraît plus naturelle, bien que l’histoire de cette industrie montre qu’elle fut aussi polluante. On le voit, le développement durable, c’est aussi un outil de communication. Un auteur comme Thierry Libaert propose d’ailleurs de considérer la communication comme un quatrième pilier du développement durable (7). Mais c’est une communication qui peut être périlleuse. Chaque année, le prix Pinnochio épingle les entreprises adeptes du greenwashing (ou blanchiment vert) (8). Cette dérive met le doigt sur le problème de labels et de certifications pas toujours exigeantes, quand il ne s’agit pas de certifications ou de labels maison. Si les entreprises ne sont pas toujours totalement de mauvaise foi, leurs pratiques de développement durable s’inscrivent souvent néanmoins dans un modèle à durabilité faible.
En somme, le développement durable est un grand mot pour adapter le capitalisme aux enjeux écologiques contemporains.
D’aucuns diront plutôt un gros mot pour de grands maux. C’est la dernière mue opérée par le capitalisme pour continuer à prospérer (9). Avec le développement durable, ce « nouvel esprit du capitalisme » récupère les critiques qui lui sont adressées pour mieux les neutraliser et durer (10). In fine, ce qui est le plus durable dans le développement durable, c’est le capitalisme lui-même.
(1) Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, avril 1987, introduction du chapitre 2.
(2) Dennis Meadows, Donella H. Meadows, Jørgen Randers, William W. Behrens III,The Limits To Growth, Universe Books, New York,1972. Consultable en ligne : http://collections.dartmouth.edu/teitexts/meadows/diplomatic/meadows_ltg-diplomatic.html
(3) Karl Polanyi, La grande transformation, Gallimard, Paris, 1983 (1944 pour l’édition originale).
(4) Une présentation dans : Sandrine Rousseau et Bertrand Zuindeau, « Théorie de la régulation et développement durable », Revue de la régulation, 1, 2007.
(5) Par exemple : Serge Latouche, Sortir de la société de consommation : voix et voies de la décroissance, Éd. Les liens qui libèrent, Paris, 2010. Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Actes sud, Arles, 2013.
(6) Cédric Perrin, « Le développement durable en perspective historique : l’exemple des tanneries», L'Homme et la société, 193-194, 2014, p. 37-56.
Force est de constater que le développement durable est aussi devenu un outil de gestion et de management au sein des organisations. Dans l’industrie de la tannerie, par exemple, le développement durable est une stratégie qui accompagne le tournant vers la niche du luxe et des produits haut-de-gamme peu compatible avec l’image d’industrie polluante héritée du passé de cette activité (6). La communication des tanneries insiste ainsi sur l’utilisation de la méthode végétale qui paraît plus naturelle, bien que l’histoire de cette industrie montre qu’elle fut aussi polluante. On le voit, le développement durable, c’est aussi un outil de communication. Un auteur comme Thierry Libaert propose d’ailleurs de considérer la communication comme un quatrième pilier du développement durable (7). Mais c’est une communication qui peut être périlleuse. Chaque année, le prix Pinnochio épingle les entreprises adeptes du greenwashing (ou blanchiment vert) (8). Cette dérive met le doigt sur le problème de labels et de certifications pas toujours exigeantes, quand il ne s’agit pas de certifications ou de labels maison. Si les entreprises ne sont pas toujours totalement de mauvaise foi, leurs pratiques de développement durable s’inscrivent souvent néanmoins dans un modèle à durabilité faible.
En somme, le développement durable est un grand mot pour adapter le capitalisme aux enjeux écologiques contemporains.
D’aucuns diront plutôt un gros mot pour de grands maux. C’est la dernière mue opérée par le capitalisme pour continuer à prospérer (9). Avec le développement durable, ce « nouvel esprit du capitalisme » récupère les critiques qui lui sont adressées pour mieux les neutraliser et durer (10). In fine, ce qui est le plus durable dans le développement durable, c’est le capitalisme lui-même.
(1) Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, avril 1987, introduction du chapitre 2.
(2) Dennis Meadows, Donella H. Meadows, Jørgen Randers, William W. Behrens III,The Limits To Growth, Universe Books, New York,1972. Consultable en ligne : http://collections.dartmouth.edu/teitexts/meadows/diplomatic/meadows_ltg-diplomatic.html
(3) Karl Polanyi, La grande transformation, Gallimard, Paris, 1983 (1944 pour l’édition originale).
(4) Une présentation dans : Sandrine Rousseau et Bertrand Zuindeau, « Théorie de la régulation et développement durable », Revue de la régulation, 1, 2007.
(5) Par exemple : Serge Latouche, Sortir de la société de consommation : voix et voies de la décroissance, Éd. Les liens qui libèrent, Paris, 2010. Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Actes sud, Arles, 2013.
(6) Cédric Perrin, « Le développement durable en perspective historique : l’exemple des tanneries», L'Homme et la société, 193-194, 2014, p. 37-56.
(7) Une recension dans L'Homme et la société, 195-196, 2015, p. 231
(8) http://www.prix-pinocchio.org
(9) Olivier Dard, Claude DIDRY, Florent LE BOT et Cédric PERRIN, « Les mille peaux du capitalisme », Tomes I et II, L’Homme et la société, 193-194, 2014 et 195-196, 2015, aux éditions L’Harmattan.
(8) http://www.prix-pinocchio.org
(9) Olivier Dard, Claude DIDRY, Florent LE BOT et Cédric PERRIN, « Les mille peaux du capitalisme », Tomes I et II, L’Homme et la société, 193-194, 2014 et 195-196, 2015, aux éditions L’Harmattan.
(10) Luc BOLTANSKI et Ève CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999.
Cédric Perrin est professeur agrégé et docteur en histoire. Il enseigne au lycée Grandmont de Tours et à l’université d’Évry Val d’Essonne. Il a notamment publié Entre glorification et abandon. L’État et les artisans en France (1938-1970), CHEFF, 2007.
Il a également contribué au dossier "Les mille peaux du capitalisme" (I et II) qui fait l'objet de deux numéros doubles publiés dans la revue L’Homme et la société (193-194 / 195-196) aux éditions L'Harmattan.
Il a également contribué au dossier "Les mille peaux du capitalisme" (I et II) qui fait l'objet de deux numéros doubles publiés dans la revue L’Homme et la société (193-194 / 195-196) aux éditions L'Harmattan.