L’émergence de l’opinion publique est un thème des plus délicats à aborder en science politique. Sa définition, la façon de la constater ou encore même ce qui exerce ou pas une influence sont des sujets qui prêtent au débat. S’exprimer en temps de troubles (1) tient compte de ces difficultés et ses rédacteurs ont ainsi souhaité dépasser certaines impasses en privilégiant un regard croisé entre les sciences sociales sur le sujet.
Laurent Bourquin, Philippe Hamon, Pierre Karila-Cohen et Cédric Michon signent ici un ouvrage d’une grande richesse. Les quatre professeurs d’Université ont en effet réuni les propos de nombreux historiens invités à s’exprimer de façon rétrospective sur le phénomène de formation de l’opinion publique du Moyen-Âge au XXe siècle. Les trois parties de l’ouvrage sont ainsi composées d’articles autoconclusifs et indépendants dont la réunion constitue une remise en perspective du concept de l’opinion dans le temps et dans l’espace européen et même un peu au-delà.
Les périodes historiques abordées dans le livre sont nombreuses. Les articles qui composent l’ouvrage abordent ainsi la médiatisation du siège de Rhodes par les Turcs en Europe au XVe siècle, la « popular politics » sous les premiers Tudors ou encore la censure tsariste au lendemain de la révolution de 1905 en Russie. Parmi les différents contributeurs de l’ouvrage, seul Nicolas Barreyre s’éloigne des limites géographiques du Vieux Continent pour mieux mettre en évidence le lien entre média et opinion publique ainsi que l’une de ses premières instrumentalisations à des fins électorales aux États-Unis.
S’exprimer en tant de trouble aborde le concept d’opinion comme un élément constitutif du conflit. L’ouvrage est ainsi l’occasion de réexaminer à travers le prisme de ce sujet d’étude différents épisodes historiques. Il ressort des interventions d’historiens consignées dans l’ouvrage que l’émergence de l’opinion est intimement liée au pouvoir. Celle-ci est en effet intimement liée au discours et à l’art oratoire. Or de tout temps, les élites – religieuses, nobiliaires, marchandes – ont été les principaux dépositaires du pouvoir des mots. Elles disposent également du pouvoir politique qui leur permet de maintenir leur position en contrôlant la population, à l’instar du roi de France encadrant étroitement la presse écrite dès ses premiers jours à la fin du XVIIe siècle.
Si l’opinion est dominée par les détenteurs du pouvoir, mais elle n’est toutefois pas l’apanage de ces derniers. Dans l’article intitulé « Loyauté partisane durant la Guerre Civile et histoire des relations sociales en Angleterre », l’historien Michael Braddick explique par exemple comment les valeurs, les croyances des communautés rurales anglaises ont été le terreau fertile de l’émergence d’une opinion populaire. On en retrouve d’ailleurs plus tard l’expression sous forme de pétition en France et en Grande Bretagne au début du XIXe siècle comme l’explique Benoit Agnès, également contributeur de l’ouvrage.
Compilation foisonnante, S’exprimer en temps de trouble recueille les propos de spécialistes de l’Histoire sur un thème atypique : celui de l’opinion publique. Réunies par Laurent Bourquin et ses codirecteurs d’ouvrage, les nombreuses contributions de ces historiens présentent des conclusions sur la nature de l’opinion publique et de ses dynamiques. Loin des clivages méthodologiques, cet ouvrage illustre avec puissance et recul la réalité historique de l’opinion publique.
(BOURQUIN, L., HAMON, P., KARILA-COHEN, P., MICHON, C., S’exprimer en temps de troubles – Conflits, opinion(s) et politisation de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle, 2012, PU Rennes, Col. Histoire, 377 pp..)
Laurent Bourquin, Philippe Hamon, Pierre Karila-Cohen et Cédric Michon signent ici un ouvrage d’une grande richesse. Les quatre professeurs d’Université ont en effet réuni les propos de nombreux historiens invités à s’exprimer de façon rétrospective sur le phénomène de formation de l’opinion publique du Moyen-Âge au XXe siècle. Les trois parties de l’ouvrage sont ainsi composées d’articles autoconclusifs et indépendants dont la réunion constitue une remise en perspective du concept de l’opinion dans le temps et dans l’espace européen et même un peu au-delà.
Les périodes historiques abordées dans le livre sont nombreuses. Les articles qui composent l’ouvrage abordent ainsi la médiatisation du siège de Rhodes par les Turcs en Europe au XVe siècle, la « popular politics » sous les premiers Tudors ou encore la censure tsariste au lendemain de la révolution de 1905 en Russie. Parmi les différents contributeurs de l’ouvrage, seul Nicolas Barreyre s’éloigne des limites géographiques du Vieux Continent pour mieux mettre en évidence le lien entre média et opinion publique ainsi que l’une de ses premières instrumentalisations à des fins électorales aux États-Unis.
S’exprimer en tant de trouble aborde le concept d’opinion comme un élément constitutif du conflit. L’ouvrage est ainsi l’occasion de réexaminer à travers le prisme de ce sujet d’étude différents épisodes historiques. Il ressort des interventions d’historiens consignées dans l’ouvrage que l’émergence de l’opinion est intimement liée au pouvoir. Celle-ci est en effet intimement liée au discours et à l’art oratoire. Or de tout temps, les élites – religieuses, nobiliaires, marchandes – ont été les principaux dépositaires du pouvoir des mots. Elles disposent également du pouvoir politique qui leur permet de maintenir leur position en contrôlant la population, à l’instar du roi de France encadrant étroitement la presse écrite dès ses premiers jours à la fin du XVIIe siècle.
Si l’opinion est dominée par les détenteurs du pouvoir, mais elle n’est toutefois pas l’apanage de ces derniers. Dans l’article intitulé « Loyauté partisane durant la Guerre Civile et histoire des relations sociales en Angleterre », l’historien Michael Braddick explique par exemple comment les valeurs, les croyances des communautés rurales anglaises ont été le terreau fertile de l’émergence d’une opinion populaire. On en retrouve d’ailleurs plus tard l’expression sous forme de pétition en France et en Grande Bretagne au début du XIXe siècle comme l’explique Benoit Agnès, également contributeur de l’ouvrage.
Compilation foisonnante, S’exprimer en temps de trouble recueille les propos de spécialistes de l’Histoire sur un thème atypique : celui de l’opinion publique. Réunies par Laurent Bourquin et ses codirecteurs d’ouvrage, les nombreuses contributions de ces historiens présentent des conclusions sur la nature de l’opinion publique et de ses dynamiques. Loin des clivages méthodologiques, cet ouvrage illustre avec puissance et recul la réalité historique de l’opinion publique.
(BOURQUIN, L., HAMON, P., KARILA-COHEN, P., MICHON, C., S’exprimer en temps de troubles – Conflits, opinion(s) et politisation de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle, 2012, PU Rennes, Col. Histoire, 377 pp..)