Florian LOUIS. - L'idée selon laquelle nous assisterions à un retour voire à une revanche de la géopolitique s'exprime de manière récurrente depuis au moins deux décennies. Elle traduit le sentiment qu'après une période au cours de laquelle on avait pu croire à l'émergence d'un ordre international déconflictualisé fondé sur le droit et la coopération internationale, nous serions rattrapés par la réalité d'un monde qui serait demeuré fondamentalement régi par les égoïsmes nationaux, les rivalités interétatiques et le rapport de force. Cette vision des choses présente toutefois plusieurs faiblesses. D'abord parce qu'elle suppose qu'il y aurait eu une éclipse de la géopolitique, ce qui est discutable. Ensuite et surtout parce qu'elle repose sur une conception très vague de la géopolitique.
Qu'est-ce que la géopolitique ? Dans quel contexte et pourquoi est née cette discipline ?
Lorsqu'on parle d'une «revanche de la géopolitique», on envisage cette dernière à la fois comme un mode de fonctionnement des relations internationales dans lequel primerait la loi du plus fort et comme une méthode permettant de les analyser. Une méthode mettant l'accent sur l'égocentrisme et les intérêts matériels des acteurs internationaux plutôt que sur les considérations de morale et de justice qui ne seraient jamais que des arguties de façade ne rendant pas compte des «forces profondes» présidant à leur comportement. Cette conception aujourd'hui largement répandue de la géopolitique, qui en fait un synonyme de la realpolitik , diffère quelque peu de ce que désignait à l'origine le concept.
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