Le prêt d’employé – ou zaiseki shukko – consiste pour une entreprise à dépêcher un de ses salariés chez une entreprise partenaire pour y travailler. L’intérêt du shukko est notamment de faire bénéficier un sous-traitant d’un travailleur hautement qualifié qui le paye selon son niveau de salaire. En retour, ce système permet au donneur d’ordres qui le missionne de compléter le salaire de ce salariés tout en le conservant à moindre frais.
Le Shukko est un phénomène typiquement japonais. Il repose en effet sur la grande intégration des liens entre donneurs d’ordres et sous-traitants, matérialisée au Japon par des conglomérats – ou Keiretsu – composées d’entreprises prenants des participations croisées. L’étroitesse des liens entre sous-traitants et donneurs d’ordre a notamment favorisé au Japon l’émergence de pratique de gestion des ressources humaines originales par leur caractère interconnecté.
Comme l’explique Annie Garanto, « la pratiques des transferts de postes est devenue fréquente » à au Japon la suite du choc pétrolier de 1975. Le shukko constitue en effet la réponse des entreprises à « la stagnation de la production » et à la nécessité d’ « ajuster la masse de travail à la baisse d’activité »[1].
À la fin des années 1980 d’après Henri Nadel, c’est avant tout les grandes entreprises japonaises qui pratiquaient le shukko ; 90% d’entre elles y ont recours contre moins de la moitié des entreprises de moins de 300 salariés. Les employés transférés de ces entreprises le sont à 57% vers « les filiales (au moins 50% de participation au capital) », à 22% vers « les entreprises affiliées (moins de 50% mais plus de 20% du capital) » mais aussi dans une moindre mesure, vers « des entreprises hors groupe financier »[2].
Le shukko est utilisé pour deux types de raisons : à des fins de transfert de compétence d’abord et dans le but d’ajuster la masse salariale. Quand il s’agit de subvenir aux besoins de compétence d’un sous-traitant, Henri Nadel explique que « les shukko sont plutôt (mais pas exclusivement) des jeunes (30 à 35 ans) qui retournent après un ou deux ans chez le donneur d’ordres d’origine »[3]. Dans le cas ajustement de masse salariale, Evelyne Dourille-Feer que la pratique du shukko permet « de garantir un emploi jusqu’à la retraite, tout en délestant la maison mère des travailleurs mûrs surnuméraires »[4]. Les prêts d’employés sont donc initialement, une façon pour les entreprises japonaises de faire face à une mauvaise conjoncture tout en continuant de satisfaire l’exigence sociale de l’emploi à vie qui pèse sur elle.
Si le shukko s’est largement popularisée durant les années 1980, le prolongement de la crise au Japon semble avoir fait évoluer le système de prêt d’employés. C’est ce que remarque Nohara Hiroatsu remarque au tournant du XXIème siècle : « à la place de shukko garantissant, par la continuité du lien juridique, l’essentiel des conditions de travail des salariés transférés, se multiplie tenseki, le transfert définitif, qui implique la rupture de contrat »[5] écrit-il. Sous l’effet de la pression économique, la mobilité salariale inter-entreprises au Japon est donc passé de transitoire à définitive.
Par ailleurs, le tenseki touche plus spécifiquement les salariés de plus de 50 ans y compris des cadres hiérarchiques. Nohara l’illustre notamment en prenant pour exemple la conclusion entre cinq grandes firmes sidérurgiques japonaises et leurs syndicats d’ « un accord qui consiste à transformer le statut de tous les salariés de plus de 55 ans en tenseki » à la fin des années 1990. Malgré la pression exercée par la crise, les entreprises et les salariés parviennent donc toujours à concilier leurs exigences de coûts et d’emploi en utilisant la mobilité salariales. Depuis les années 2000 semble-t-il, cela se fait néanmoins au prix d’une dégradation de la situation des travailleurs qui en sont l’objet ; ces derniers sont en effet transférés plutôt que prêtés et sont contraints de rompre avec leur employeur primaire.
Le Japon fournit l’exemple d’une gestion atypique des ressources humaines en contexte de crise économique. Tenues par des contraintes économiques et sociales fortes, les entreprises japonaises ont notamment un usage particulier de la mobilité salariale pour faire face au problème de coûts. Prêts, puis transferts d’employés se sont ainsi démocratisés à la fin des années 1970, à la faveur de l’intégration financières des entreprises japonaises. Shokku et tenseki demeurent des pratiques spécifiques au Japon mais elles laissent entrevoir des possibilités de gestion des ressources humaines innovantes qui n’ont rien à envier au concept européen de flexi-sécurité.
DOURILLE-FEER, E., « Les Défis de l’emploi des travailleurs âgés au Japon » in Retraite et société, 2002-2003, n° 37, La Documentation française, pp. 65 à 95.
NADEL, H., « L’ampleur du prêt/transfert de main-d’œuvre » in Emploi et relations industrielles au Japon, 1994, L’Harmattan, pp. 171 à 181.
NOHARA, H., « L’économie des ressources humaines en transition : le cas du Japon » in Economie Appliquée, 1998, tome LI, n°3, Université d’Aix-Marseilles, pp. 7 à 36.
GARANTO, A., « Crise des stratégies syndicales et évolution de la relation salariale au Japon » in Civilisations, 1991, n°39, Université Libre de Bruxelles, pp 191 à 248.
Le Shukko est un phénomène typiquement japonais. Il repose en effet sur la grande intégration des liens entre donneurs d’ordres et sous-traitants, matérialisée au Japon par des conglomérats – ou Keiretsu – composées d’entreprises prenants des participations croisées. L’étroitesse des liens entre sous-traitants et donneurs d’ordre a notamment favorisé au Japon l’émergence de pratique de gestion des ressources humaines originales par leur caractère interconnecté.
Comme l’explique Annie Garanto, « la pratiques des transferts de postes est devenue fréquente » à au Japon la suite du choc pétrolier de 1975. Le shukko constitue en effet la réponse des entreprises à « la stagnation de la production » et à la nécessité d’ « ajuster la masse de travail à la baisse d’activité »[1].
À la fin des années 1980 d’après Henri Nadel, c’est avant tout les grandes entreprises japonaises qui pratiquaient le shukko ; 90% d’entre elles y ont recours contre moins de la moitié des entreprises de moins de 300 salariés. Les employés transférés de ces entreprises le sont à 57% vers « les filiales (au moins 50% de participation au capital) », à 22% vers « les entreprises affiliées (moins de 50% mais plus de 20% du capital) » mais aussi dans une moindre mesure, vers « des entreprises hors groupe financier »[2].
Le shukko est utilisé pour deux types de raisons : à des fins de transfert de compétence d’abord et dans le but d’ajuster la masse salariale. Quand il s’agit de subvenir aux besoins de compétence d’un sous-traitant, Henri Nadel explique que « les shukko sont plutôt (mais pas exclusivement) des jeunes (30 à 35 ans) qui retournent après un ou deux ans chez le donneur d’ordres d’origine »[3]. Dans le cas ajustement de masse salariale, Evelyne Dourille-Feer que la pratique du shukko permet « de garantir un emploi jusqu’à la retraite, tout en délestant la maison mère des travailleurs mûrs surnuméraires »[4]. Les prêts d’employés sont donc initialement, une façon pour les entreprises japonaises de faire face à une mauvaise conjoncture tout en continuant de satisfaire l’exigence sociale de l’emploi à vie qui pèse sur elle.
Si le shukko s’est largement popularisée durant les années 1980, le prolongement de la crise au Japon semble avoir fait évoluer le système de prêt d’employés. C’est ce que remarque Nohara Hiroatsu remarque au tournant du XXIème siècle : « à la place de shukko garantissant, par la continuité du lien juridique, l’essentiel des conditions de travail des salariés transférés, se multiplie tenseki, le transfert définitif, qui implique la rupture de contrat »[5] écrit-il. Sous l’effet de la pression économique, la mobilité salariale inter-entreprises au Japon est donc passé de transitoire à définitive.
Par ailleurs, le tenseki touche plus spécifiquement les salariés de plus de 50 ans y compris des cadres hiérarchiques. Nohara l’illustre notamment en prenant pour exemple la conclusion entre cinq grandes firmes sidérurgiques japonaises et leurs syndicats d’ « un accord qui consiste à transformer le statut de tous les salariés de plus de 55 ans en tenseki » à la fin des années 1990. Malgré la pression exercée par la crise, les entreprises et les salariés parviennent donc toujours à concilier leurs exigences de coûts et d’emploi en utilisant la mobilité salariales. Depuis les années 2000 semble-t-il, cela se fait néanmoins au prix d’une dégradation de la situation des travailleurs qui en sont l’objet ; ces derniers sont en effet transférés plutôt que prêtés et sont contraints de rompre avec leur employeur primaire.
Le Japon fournit l’exemple d’une gestion atypique des ressources humaines en contexte de crise économique. Tenues par des contraintes économiques et sociales fortes, les entreprises japonaises ont notamment un usage particulier de la mobilité salariale pour faire face au problème de coûts. Prêts, puis transferts d’employés se sont ainsi démocratisés à la fin des années 1970, à la faveur de l’intégration financières des entreprises japonaises. Shokku et tenseki demeurent des pratiques spécifiques au Japon mais elles laissent entrevoir des possibilités de gestion des ressources humaines innovantes qui n’ont rien à envier au concept européen de flexi-sécurité.
DOURILLE-FEER, E., « Les Défis de l’emploi des travailleurs âgés au Japon » in Retraite et société, 2002-2003, n° 37, La Documentation française, pp. 65 à 95.
NADEL, H., « L’ampleur du prêt/transfert de main-d’œuvre » in Emploi et relations industrielles au Japon, 1994, L’Harmattan, pp. 171 à 181.
NOHARA, H., « L’économie des ressources humaines en transition : le cas du Japon » in Economie Appliquée, 1998, tome LI, n°3, Université d’Aix-Marseilles, pp. 7 à 36.
GARANTO, A., « Crise des stratégies syndicales et évolution de la relation salariale au Japon » in Civilisations, 1991, n°39, Université Libre de Bruxelles, pp 191 à 248.
[1] GARANTO, A., « Crise des stratégies syndicales et évolution de la relation salariale au Japon » in Civilisations, n°39, Université Libre de Bruxelles, 1991, p. 215.
[2] NADEL, H., « L’ampleur du prêt/transfert de main-d’œuvre » in Emploi et relations industrielles au Japon, 1994, L’Harmattan, pp. 171 à 181.
[3] NADEL, H., « L’ampleur du prêt/transfert de main-d’œuvre » in Emploi et relations industrielles au Japon, 1994, L’Harmattan, 350p..
[4] DOURILLE-FEER, E., « Les Défis de l’emploi des travailleurs âgés au Japon » in Retraite et société, n° 37, La Documentation française, 2002-2003, p. 89.
[5] NOHARA, H., « L’économie des ressources humaines en transition : le cas du Japon » in Economie Appliquée, tome LI, n°3, Aix-en-Provence, 1998, pp. 13 à 14.