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Paul Romer, l’économiste des "chartered cities"


Julie Rousseau
Jeudi 17 Janvier 2019



Connu pour sa théorie de la "croissance endogène", Paul Romer a reçu le prix Nobel en 2018 avec William Nordhaus pour avoir mesuré de la part de l’innovation dans la croissance économique. En recherchant les éléments qui amènent les gens à entreprendre et à innover, il s’est naturellement intéressé au phénomène des villes franches, cités-Etats et « chartered cities », dont il fait valoir l’intérêt dans le monde contemporain.



Paul Romer, l’économiste des "chartered cities"
Théorie de la "croissance endogène"
 
Paul Romer est connu pour sa théorie de la "croissance endogène" développée en 1986. L’idée maîtresse est que la croissance du produit intérieur brut (PIB) ne saurait être due à la seule combinaison de l’accumulation du capital et du travail. L’éducation et l’investissement dans la recherche et développement jouent aussi un rôle décisif en favorisant un progrès technique qui, à son tour, accélère la croissance. Encore faut-il qu’un pays s’en donne les moyens.
Il s’est vu décerné le Prix Nobel 2018 aux côtés de William Nordhaus pour leurs travaux mesurant la part de l’innovation dans la croissance. Pour l’Académie ces travaux répondent à « des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable (...) et bien-être de la planète ».

À 62 ans, il est actuellement professeur à l’Université de New York où il dirige des recherches sur l’urbanisation et la croissance des villes, plus précisément « sur la manière dont les politiques des pays émergents peuvent utiliser la croissance rapide des villes pour créer des opportunités de croissance économique et s’attaquer aux réformes sociales ». Paul Romer s’est notamment penché sur l’essor économique chinois qui a sorti le pays de l’extrême pauvreté dans lequel il était plongé après des décennies de régime autoritaire et centralisateur, mettant en évidence l’effet des villes franches ou autres « zones économiques spéciales » (1)
 
La « loi de fer des lois »

Les modèles économiques classiques de la croissance ne donnent pas d’indication sur la manière dont l’innovation émerge. Paul Romer a donc recherché les éléments qui amènent les gens à entreprendre et à innover. Pour lui, ce sont essentiellement les « règles institutionnelles » qui vont déterminer le dynamisme d’une société. Il indique par exemple que ce sont ces règles qui expliquent pourquoi les habitants des pays pauvres se baladent avec des téléphones portables, mais n’ont souvent pas accès à l’électricité pour les recharger.
Les lois de ces pays bloquent le développement et sont très difficiles à changer. C’est ce qu’il appelle la « loi de fer des lois » (iron rule of rules) : la coordination sociale est compliquée et il y a énormément de frictions lorsqu’il s'agit de changer des lois, même si celles-ci sont inefficaces et négatives pour l’ensemble de la société. En effet, la plupart des lois protègent un cartel d’affaire et font vivre toutes sortes de corporations et de politiciens : il y a donc énormément d’oppositions à supprimer ces privilèges.

Les « charters cities »

La solution du prix Nobel Paul Romer est plutôt simple : expérimenter de nouvelles réglementations dans le cadre de villes indépendantes, les charters cities. Si ces normes fonctionnent, la ville attirera du monde et se développera.
En séparant légalement un petit territoire d’une grande entité, on arrive à s’affranchir de la plupart des frictions politiques rendant impossible toute véritable réforme. Le coût de coordination est donc réduit et l’expérimentation est rendue possible.
Autre élément important : en donnant de l’autonomie à de petites entités, on rapproche le pouvoir du peuple et de ses réalités.

Quand on lit l’actualité politique, on a l’impression que ce qui importe réellement ce sont les blocs économiques : Union européenne, Etats-Unis, Mercosur (alliance sud-américaine), Chine ou Russie. On met sans arrêt en avant les luttes de pouvoir : guerre commerciale, confrontation des puissances... On fait croire, en filigrane, que la force serait au centre de la prospérité. Or les Empires finissent toujours par s’effondrer en raison de leurs contradictions internes et de leur mauvaise gestion.

La réalité est que les petits États sont souvent plus prospères et plus respectueux de leurs citoyens.
Le centralisme politique favorise le lobbyisme et les arrangements entre amis alors que les petits états ont une bonne autogestion. Ce n’est cependant pas une règle d’airain. La leçon de Paul Romer est que la pluralité des législations est importante pour faire émerger les systèmes légaux plus pertinents et que, par conséquent, la décentralisation du pouvoir est cruciale.

À l’heure où l’on tend à homogénéiser les lois sur des continents entiers et à signer quantité de traités internationaux, cette leçon fait réfléchir.

(1) https://www.sensemaking.fr/Liberland-cite-Etat-libre_a332.html
 










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