Pouvez-vous définir le modèle « biologique » d'organisation de l'entreprise ?
Le modèle biologique d'organisation de l'entreprise répond à un environnement devenu à la fois instable, quant à la quantité des chocs impactant l'entreprise, et complexe, avec sans cesse des nouveaux facteurs qui apparaissent devant être pris en compte par les décideurs. Il accorde donc une très grande importance, d'une part aux qualités des dirigeants et à la gouvernance de l'entreprise, d'autre part à la décentralisation des décisions.
Quelles sont les modèles classiques d'organisation de l'entreprise habituellement retenus par la théorie en gestion ?
Les praticiens de la gestion considèrent habituellement les organisations à partir de trois modèles classiques : hiérarchique, matriciel et en réseau. C'est pour cette raison que nous avons présenté le modèle biologique comme évolution et synthèse de ces trois modèles classiques.
Le modèle hiérarchique en théorie des organisations est associé au français Henri Fayol (1916), qui en a défini les principales caractéristiques à la croisée du 19e et du 20e siècle. L'efficacité de l'entreprise dans ce modèle repose sur le chef, qui doit posséder un certain nombre de qualités pour entraîner le groupe. Il n'est pas inutile de rappeler le contexte guerrier d'émergence de ce modèle, qui visait à appliquer des principes d'organisation militaire à des conglomérats industriels en plein développement. Dans ce modèle, les principes d'action, définis en haut de la pyramide, doivent être appliqués en suivant une ligne hiérarchique constituée d'une succession de subordonnés. Les informations circulent ainsi de manière verticale, avec une liberté d'initiative réduite de la part des subordonnés. La connaissance reste donc centralisée au niveau de l'équipe dirigeante. Par ailleurs, cette dernière est censée incarner le système de valeurs de l'entreprise, outil de légitimité crucial. Une telle organisation ne peut être efficace que dans un environnement relativement stable et peu complexe technologiquement.
Lorsque l'environnement requiert justement une combinaison rapide de compétences disséminées dans l'entreprise, le modèle matriciel paraît plus adapté. Décrit originellement par Galbraith en 1973, le modèle matriciel correspond à un effacement relatif du chef, et conduit à privilégier une vision transversale ou horizontale de l'organisation. Autrement dit, le pouvoir décisionnel se trouve décentralisé, aux mains d'experts au sein de l'entreprise. L'inconvénient majeur du modèle matriciel, tout en étant d'ailleurs l'une de ses finalités, est de casser les lignes hiérarchiques. S'il permet donc une gestion des connaissances plus adéquate du fait d'un fonctionnement par équipe-projet, le processus de traitement des informations s'en trouve alourdi et la réactivité de l'entreprise réduite. Par ailleurs, le système de valeurs de l'entreprise ne peut être que très difficilement incarné par l'équipe dirigeante. La légitimité des décisions ne peut donc trouver sa source qu'au-delà de l'organisation.
Le modèle hiérarchique en théorie des organisations est associé au français Henri Fayol (1916), qui en a défini les principales caractéristiques à la croisée du 19e et du 20e siècle. L'efficacité de l'entreprise dans ce modèle repose sur le chef, qui doit posséder un certain nombre de qualités pour entraîner le groupe. Il n'est pas inutile de rappeler le contexte guerrier d'émergence de ce modèle, qui visait à appliquer des principes d'organisation militaire à des conglomérats industriels en plein développement. Dans ce modèle, les principes d'action, définis en haut de la pyramide, doivent être appliqués en suivant une ligne hiérarchique constituée d'une succession de subordonnés. Les informations circulent ainsi de manière verticale, avec une liberté d'initiative réduite de la part des subordonnés. La connaissance reste donc centralisée au niveau de l'équipe dirigeante. Par ailleurs, cette dernière est censée incarner le système de valeurs de l'entreprise, outil de légitimité crucial. Une telle organisation ne peut être efficace que dans un environnement relativement stable et peu complexe technologiquement.
Lorsque l'environnement requiert justement une combinaison rapide de compétences disséminées dans l'entreprise, le modèle matriciel paraît plus adapté. Décrit originellement par Galbraith en 1973, le modèle matriciel correspond à un effacement relatif du chef, et conduit à privilégier une vision transversale ou horizontale de l'organisation. Autrement dit, le pouvoir décisionnel se trouve décentralisé, aux mains d'experts au sein de l'entreprise. L'inconvénient majeur du modèle matriciel, tout en étant d'ailleurs l'une de ses finalités, est de casser les lignes hiérarchiques. S'il permet donc une gestion des connaissances plus adéquate du fait d'un fonctionnement par équipe-projet, le processus de traitement des informations s'en trouve alourdi et la réactivité de l'entreprise réduite. Par ailleurs, le système de valeurs de l'entreprise ne peut être que très difficilement incarné par l'équipe dirigeante. La légitimité des décisions ne peut donc trouver sa source qu'au-delà de l'organisation.
On retrouve dans le modèle biologique le leadership du modèle hiérarchique, la gestion des connaissances du modèle matriciel. Quel est l'apport de l'organisation en réseau au modèle biologique ?
Le modèle en réseau permet théoriquement de concilier ses deux formes en combinant des visions horizontale et verticale de l'organisation. Il n'est pas étonnant que la conceptualisation de cette forme date des années 80-90, période où se développe l'Internet. Le réseau est vu comme une forme d'organisation intermédiaire entre le marché et l'entreprise, ce qui permet d'optimiser les échanges par l'utilisation de la forme de coordination la plus adéquate. Le principal avantage de l'organisation en réseau repose sur sa capacité de réaction face à un environnement de marché turbulent. En revanche, le développement de connaissances peut pâtir de comportements déviants de membres du réseau liés à des phénomènes de passager clandestin et de relations asymétriques. C'est ce qui explique en particulier la difficulté d'innover dans les pays dominés par de très grandes entreprises et/ou le capital social est faible. Pour éviter ce risque de spoliation, dans des entreprises immatérielles où chaque acteur porte un capital humain spécifique, « l'animateur » du réseau doit donc veiller à ce qu'un sens soit partagé dans l'action. C'est l'un des points clés du modèle biologique.
La théorie de la contingence de Tom Burns et Georges Macpherson Stalker est le principal pivot de votre caractérisation du modèle « biologique ». Quel est le contenu de cette théorie ?
La théorie de la contingence voit l'organisation comme une réponse aux évolutions des conditions de son environnement. Cette approche est particulièrement pertinente pour deux raisons complémentaires essentielles. Tout d'abord, elle suppose implicitement une notion de la performance en termes de survie organisationnelle, c'est-à-dire que les entreprises efficaces sont celles qui s'adaptent au mieux à leur environnement. À l'inverse, les entreprises inefficaces sont éliminées du marché. Cette notion de performance organisationnelle apparaît aujourd'hui primordiale puisqu'elle met en avant une logique de pérennité du modèle économique et privilégie les bonnes pratiques de management. Par ailleurs, et il s'agit là de la deuxième raison, l'approche de la contingence suppose que l'entreprise évolue dans un milieu ouvert, caractéristique de notre économie globalisée.
À quel type d'environnement les entreprises ayant recours au modèle biologique font-elles face ?
Le modèle biologique paraît plutôt adapté à des environnements à la fois complexe et instable. La complexité fait référence au niveau de connaissance nécessaire pour répondre aux besoins de ses partenaires. L'instabilité dépend principalement de l'intensité de la concurrence à laquelle l'entreprise est exposée. Il est aujourd'hui difficile de penser que certaines entreprises échapperaient à ce type d'environnement, dans un monde ouvert…. Bien sûr, il semble exister des situations de niche ou des activités « protégées », stratégiques ou locales, qui paraissent atténuer les chocs environnementaux. Néanmoins, même une entreprise sur une activité de niche doit tenir compte de la situation de ses partenaires, et la transformation des équilibres géopolitiques modernes remet en question toutes les positions acquises et les frontières des territoires économiques. Autrement dit, il est illusoire de penser être à l'abri d'une quelconque bulle protectionniste. Il peut être en revanche beaucoup plus fructueux de fonder le développement économique territorial à partir des ETI, un positionnement stratégique pour les prochaines années, en s'inspirant d'une organisation biologique des entreprises.
L'entreprise Ineo se trouve au centre de votre étude de cas sur le modèle biologique. En quoi est-elle représentative de ce modèle d'organisation ?
Pour juger la nature biologique du modèle d'organisation de toute entreprise, il nous faut avant tout caractériser son environnement, en termes d'instabilité et de complexité. En ce qui concerne la complexité, liée en grande partie à l'intensité des technologies déployées, Ineo met au service de ses clients des technologies liées à l'énergie, aux télécommunications, au numérique et à l'informatique. Son activité dépend donc de sa capacité à comprendre les évolutions et la convergence de chacune de ces technologies, qui influent doublement sur le degré de complexité de son environnement technologique.
Le degré d'instabilité de l'environnement doit être appréhendé en regard de l'intensité concurrentielle des marchés sur lesquels évolue l'entreprise. Il est vrai que le secteur de l'ingénierie électrique dans lequel Ineo intervient contient un grand nombre d'acteurs (Vinci Energies, SPIE, Cegelec, SNEF, Forclum, ETDE). Mais la faible maturité du marché, en France, combinée à des barrières à l'entrée importantes limitait pour l'instant l'intensité concurrentielle au sein du secteur. Le développement du marché, dans un environnement économique poussant à la rationalisation des coûts, et dans un contexte plus international, confronte cependant rapidement les entreprises du secteur à une concurrence plus forte.
Cet environnement, que l'on peut donc qualifier à la fois d'instable et de complexe, soumet l'entreprise à la nécessité d'être innovante et anticipative. Ce double impératif se décline sur les deux plans du management de la connaissance et des systèmes d'information.
Le degré d'instabilité de l'environnement doit être appréhendé en regard de l'intensité concurrentielle des marchés sur lesquels évolue l'entreprise. Il est vrai que le secteur de l'ingénierie électrique dans lequel Ineo intervient contient un grand nombre d'acteurs (Vinci Energies, SPIE, Cegelec, SNEF, Forclum, ETDE). Mais la faible maturité du marché, en France, combinée à des barrières à l'entrée importantes limitait pour l'instant l'intensité concurrentielle au sein du secteur. Le développement du marché, dans un environnement économique poussant à la rationalisation des coûts, et dans un contexte plus international, confronte cependant rapidement les entreprises du secteur à une concurrence plus forte.
Cet environnement, que l'on peut donc qualifier à la fois d'instable et de complexe, soumet l'entreprise à la nécessité d'être innovante et anticipative. Ce double impératif se décline sur les deux plans du management de la connaissance et des systèmes d'information.
Comment se manifeste le modèle biologique dans l'organisation d'Ineo ?
La nature biologique du modèle d'organisation d'Ineo peut s'apprécier à partir des modèles classiques de base. Ineo possède tout d'abord des caractéristiques du modèle matriciel lui permettant la gestion de projets transversaux. Comme nous l'avons vu plus haut, le modèle matriciel est adapté à un environnement complexe nécessitant la mobilisation de compétences variées de haut niveau. Lorsque l'environnement est également instable et requiert une forte réactivité de l'entreprise, la mise en commun des moyens doit trouver une certaine efficacité dans l'action grâce à un pouvoir décisionnel incarnant un système de valeur compris et partagé à un niveau opérationnel. Sur ce point, trois éléments peuvent être soulignés. Le premier se rapporte aux valeurs d'exigence et de solidarité clairement exprimées par les dirigeants du groupe. Le deuxième a trait au système de formation et de promotion interne. D'une part, la formation interne met l'accent sur l'employabilité tout au long de la carrière. D'autre part, la promotion en interne peut s'appuyer sur une organisation plate propre au modèle matriciel. Le troisième élément enfin concerne l'équipe dirigeante, dont la composition doit refléter les valeurs et la politique de gestion des ressources humaines affichées. Les profils des membres du comité de direction montrent une « hybridation » des formations et des trajectoires cohérente avec les valeurs affichées par le groupe.
Le modèle d'Ineo dérive également du modèle en réseau du fait des relations multidimensionnelles que l'entreprise entretient avec ses clients et fournisseurs. Ce modèle est particulièrement adapté à des environnements instables nécessitant une coopération rapide et fluide entre diverses entreprises intervenant de manière combinée sur des projets communs. Autrement dit, il s'agit ici d'une forme de modèle matriciel étendu à plusieurs organisations. La nature des projets dans lesquels s'inscrit l'action d'Ineo conduit l'entreprise à s'insérer naturellement dans un réseau d'entreprises.
Dans un environnement également complexe, des connaissances doivent être partagées entre les différents membres du réseau, ce qui suppose, d'une part une décentralisation du pouvoir de décision, d'autre part une diffusion d'un système de valeurs universelles entre les différents membres du réseau. Le management commun des connaissances se traduit chez Ineo par la notion de co-innovation, qui transforme les relations avec les clients et fournisseurs de l'entreprise en véritables partenariats.
Enfin, des valeurs universelles liées au développement durable et à la responsabilité sociale sont clairement affichées par le groupe. Elles s'expriment au travers de la qualité de vie au travail, la diversité et la solidarité.
Le modèle d'Ineo dérive également du modèle en réseau du fait des relations multidimensionnelles que l'entreprise entretient avec ses clients et fournisseurs. Ce modèle est particulièrement adapté à des environnements instables nécessitant une coopération rapide et fluide entre diverses entreprises intervenant de manière combinée sur des projets communs. Autrement dit, il s'agit ici d'une forme de modèle matriciel étendu à plusieurs organisations. La nature des projets dans lesquels s'inscrit l'action d'Ineo conduit l'entreprise à s'insérer naturellement dans un réseau d'entreprises.
Dans un environnement également complexe, des connaissances doivent être partagées entre les différents membres du réseau, ce qui suppose, d'une part une décentralisation du pouvoir de décision, d'autre part une diffusion d'un système de valeurs universelles entre les différents membres du réseau. Le management commun des connaissances se traduit chez Ineo par la notion de co-innovation, qui transforme les relations avec les clients et fournisseurs de l'entreprise en véritables partenariats.
Enfin, des valeurs universelles liées au développement durable et à la responsabilité sociale sont clairement affichées par le groupe. Elles s'expriment au travers de la qualité de vie au travail, la diversité et la solidarité.
En quoi la légitimité du dirigeant est-elle cruciale dans une entreprise organisée selon le modèle biologique ?
La réflexion sur la hiérarchie ne doit pas être oubliée dans le modèle biologique. Pour permettre à l'entreprise d'évoluer dans un environnement instable et complexe, une voie de communication informelle doit exister entre le centre décisionnel et la périphérie opérationnelle. L'efficacité de cette voie de communication est liée à la qualité du dirigeant et à la structure de l'équipe de direction. Le dirigeant doit montrer une grande ouverture d'esprit. Par ailleurs, son action doit pouvoir être contestée, ce qui suppose une indépendance et une diversité certaines des membres de son équipe.
Cela signifie-t-il alors que ce modèle d'organisation remet en cause les fondements mêmes de la relation hiérarchique au sein de l'entreprise ?
L'épistémologie des sciences de gestion, et plus largement celle des sciences humaines et sociales, montre une évolution progressive vers l'effacement des relations hiérarchiques, qui se produit par sauts successifs. Ce processus est loin d'être achevé, mais la notion de modèle biologique s'inscrit parfaitement dans cette voie. Elle insiste ainsi sur l'importance de développer des relations spécifiques, créatrices de valeur, entre toutes les parties prenantes à la vie de l'entreprise, et de limiter les mises en concurrence néfastes, car destructrices des ressources vives de l'organisation. En ce sens, le modèle biologique privilégie l'ordre plutôt que la hiérarchie, et met en avant l'ethique et la justice.